(Les Versants) Madame la présidente Nathalie Roy

Frédéric Khalkhal | Les Versants

Le 31 janvier, les travaux parlementaires reprendront à l’Assemblée nationale, qui a, depuis le 29 novembre, la députée de Montarville, Nathalie Roy, comme présidente. La deuxième femme au Québec à occuper ce poste. Madame la présidente a accepté de répondre à nos questions.

Comment cette prise de fonction s’est-elle opérée?

La journée même, lors de l’élection par acclamation, qui s’est déroulée le 29 novembre, on m’a donné les livres de formation sur la fonction. Donc, j’apprends en faisant. J’ai été élue par acclamation le 29. Tout de suite, on entre en fonction avec un discours de prise de poste et l’élection des trois autres vice-présidents. Le lendemain, le 30, c’était le tour du discours d’ouverture du premier ministre, avec la venue du lieutenant-gouverneur. Le lendemain, le 31 novembre, je déposais la décision qui a été rendue par mon prédécesseur, François Paradis. J’avais comme mandat de déposer cette décision devant tous les élus et de l’expliquer. J’ai donc expliqué les motivations de cette décision et pourquoi cette décision de M. Paradis, je la faisais mienne, je la respectais et l’appliquais. Évidemment, c’était une décision concernant la possibilité ou non de siéger pour les trois élus du Parti québécois qui n’avaient pas prêté serment au roi. Cela a commencé raide, surtout que la période de questions suivait après ça et que c’était ma première. On apprend en faisant, mais je peux vous dire que j’ai beaucoup étudié pendant la nuit, avant de déposer la décision de M. Paradis et de rédiger l’explication donnée aux parlementaires.

Quelles seront vos prochaines tâches à la présidence?

Il y a trois rôles principaux. Le premier rôle est de diriger la séance des travaux et la période des questions. On joue à ce moment-là un rôle d’arbitre. On fait respecter le règlement. Je le vois même comme un rôle de juge, car vous prenez des décisions qui sont finales. Quand vous tranchez, vous tranchez. C’est un pouvoir très important qu’il faut donc utiliser de manière très équitable. Il y a là tout le défi et j’adore ça. Je suis aussi avocate, ce qui aide pour la compréhension des règlements et comment trancher. La deuxième fonction de la présidence, c’est d’administrer les services de l’Assemblée nationale. Je suis la présidente de l’Assemblée nationale. Cela représente près de 700 employés, c’est plusieurs divisions, c’est plusieurs bâtiments, pas seulement le Parlement, ce sont les débats télédiffusés, la sécurité, l’alimentation. Il y a aussi le secrétariat général qui s’occupe entre autres de tout ce qui touche le droit parlementaire. Je suis donc responsable de tout cela. De l’autre côté, il y a le cabinet de la présidence, qui est un peu comme mon propre bureau, avec les gens qui sont là pour me seconder dans mon rôle. Il y a beaucoup de similitude avec un ministère, et d’avoir été pendant quatre ans à la tête d’un ministère m’aide beaucoup. Le troisième rôle de la présidence, c’est de représenter l’Assemblée nationale du Québec à l’international devant les différentes autres assemblées nationales à travers le monde. C’est une façon de faire briller l’Assemblée nationale du Québec, notre mode de démocratie, notre façon de fonctionner, le fait que le Parlement, et son Assemblée, est égalitaire avec une femme à la présidence et est avant-gardiste. Je veux pousser davantage cette image du Québec à l’international.

Était-il temps d’avoir une femme comme présidente de l’Assemblée nationale?

Je suis la deuxième femme après Louise Arel, il y a 20 ans déjà, en 2002. Je considère que le message est très fort. Le Québec est une société égalitaire et je veux promouvoir ce message de façon importante, car personnellement, je considère que l’on ne doit pas traiter les femmes comme une minorité, mais bien comme 50 % de la population. Il est important que les femmes prennent leur place, et pas celle des hommes, pour faire avancer la société et améliorer les conditions de vie pour nos concitoyens avec nos forces et nos faiblesses et nos caractéristiques différentes. Donc, en toute complémentarité, les hommes et les femmes parlementaires peuvent faire avancer les choses. C’est ma vision des choses et c’est ce que je veux promouvoir à l’international. Les femmes, actuellement, composent 46 % des élus au Parlement, ce qui nous place en très bonne position à l’international sur les parlements les plus équitables au monde. Il reste toujours du travail à faire. On peut perdre des droits, on l’a vu aux États-Unis, et le droit à l’avortement, il n’y a rien de gagné, mais je crois que le Québec a une longueur d’avance sur beaucoup d’autres parlements à travers le monde. Chaque parti a une représentativité féminine très, très forte. Je suis très confiante pour l’avenir.

Vous ne vouliez pas poursuivre le poste de ministre de la Culture et des Communications?

C’était dans mes trois choix. Mon premier choix, je vous l’avoue, c’était la présidence de l’Assemblée nationale. Je suis ravie, heureuse, honorée d’avoir pu être élue à ce poste. J’ai demandé à mon groupe parlementaire d’être présidente de l’Assemblée nationale. Le 3 octobre, c’était l’élection, et le 6 octobre, nous avions un premier caucus. À ce moment, le premier ministre nous a demandé, aux 90 élus, la fonction que nous aimerions occuper. J’ai écrit une lettre disant pourquoi je voulais avoir le poste de présidente de l’Assemblée nationale.

Comment jouerez-vous votre rôle de députée en étant présidente de l’Assemblée nationale?

Je crois que je pourrai être davantage dans la circonscription que lorsque j’étais ministre, naturellement lorsque je n’aurai pas de mission à l’international. Parce que, lorsque vous êtes ministre de la Culture, c’est vraiment sept jours par semaine comme ministre et à la grandeur du Québec. Donc, moins présente les lundis et les vendredis à votre bureau de circonscription. Là, je tenterai d’être plus présente, sachant qu’il y aura aussi des déplacements dans d’autres circonscriptions pour expliquer les travaux de l’Assemblée nationale. Mais je pense qu’il y aura davantage de place pour le travail en circonscription et j’en suis très heureuse. Je demeure la  députée de Montarville, je suis là pour aider les citoyens qui ont des enjeux avec le gouvernement, mais je me dois d’être plus réservée à l’égard du travail partisan. Je ne peux plus en faire, mais je suis toujours là pour les citoyens.

Quand on est présidente de l’Assemblée nationale, n’est-ce pas là notre dernier poste en politique?

Je ne le vois pas comme ça. Vous savez, je n’ai jamais fait de plan de carrière, du genre à tel âge je veux faire telles choses. J’y vais avec mon cœur. J’ai sauté dans le bain lorsque j’ai voulu être journaliste, c’était toujours de nouveaux défis. Et quand les défis m’intéressent, je saute dans le bain. Même chose en 2002 quand j’ai vu M. Legault réapparaître. Je me suis dit « Qu’est-ce qu’il fait là, lui? ». Il a fondé la Coalition avenir Québec (CAQ) et son discours m’intéressait : mettre les chicanes de côté, regrouper les gens pour faire avancer le Québec. Cela m’a vraiment parlé et j’ai sauté dans le bain sans calculer où je voulais aller. Aujourd’hui, cette opportunité de présidente de l’Assemblée nationale, je l’embrasse à bras ouverts et je verrai où elle m’amènera, et elle peut m’amener à bien des endroits. On demeure présidente de l’Assemblée nationale si d’aventure, on ne pouvait plus exercer notre rôle, mais je me souhaite de rester en forme, et la seule possibilité de quitter ce poste, c’est que le premier ministre nous dise « J’ai besoin de toi comme ministre, reviens ». Mais je n’entrevois pas cette possibilité, car le gouvernement, en ce moment, est bien pourvu avec énormément de talent. Il faut se représenter à l’élection si l’on veut poursuivre comme présidente si on le souhaite par la suite. Je vois ça comme un défi à relever jour après jour, et il m’amènera là où il m’amènera. Je ne calcule pas. Je vois plutôt ce poste comme une ouverture d’horizon et je suis très reconnaissante à l’égard des élus pour cette élection. Cela me touche vraiment énormément. Lors de mon discours, j’ai eu la voix nouée, car je dois tout cela aux citoyens de Saint-Bruno-de-Montarville et de Boucherville. C’est grâce à eux. Si vos citoyens ne vous font pas confiance, si vous n’êtes pas élue, oubliez ça! Dans mon cas, ils m’ont fait confiance quatre fois, je suis reconnaissante. C’est grâce à eux que j’ai pu dire que j’aimerais accéder à cette fonction et que j’ai mis mon nom pour être élue par acclamation. Je dois tout aux citoyens de Montarville et de Boucherville, vous pouvez commencer votre papier comme cela. Ils me font grandir et je vais tout faire pour être une meilleure députée et une excellente présidente de l’Assemblée nationale.

Auteur : Nathalie Roy

Députée de Montarville à l'Assemblée nationale du Québec